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Alain MAUGARD, président de QUALIBAT, nous livre sa vision du bâtiment de demain

 

Ancien élève de l’Ecole polytechnique et ingénieur général des Ponts et Chaussée, Alain MAUGARD a été le président du CSTB de 1993 à 2008.

En septembre 2008, il rejoint le Conseil général de l’environnement et du développement durable, à la tête de la section “risques, sécurité, sûreté”.

Depuis septembre 2009, il est également président de QUALIBAT, organisme de certifications des entreprises de la construction. 

Avant-gardiste de renom, Alain MAUGARD, nous livre sa vision du bâtiment de demain et rappelle les exigences de plus en plus importantes en matière de construction : elle doit se fondre dans l’environnement aussi bien sur le plan esthétique que technique (respect des normes et certifications).


BATI’life : Comment voyez-vous l’évolution des technologies et des mentalités face à l’environnement ?

Longtemps le bâtiment "s’est excusé" vis-à-vis de l’environnement.

Il s’agissait presque de honte. Les différents acteurs du bâtiment était obligés de se justifier sur le plan du développement urbain. On nous reprochait de bétonner, de détruire le paysage, d’être polluant.

Il y a dix dans, les ambitions de performance énergétique n’étaient pas aussi importantes. Nous vivons actuellement une vraie révolution énergétique.

Le secteur du bâtiment a décidé de relever un challenge énorme le jour où il s'est engagé à construire des bâtiments neufs à énergie positive et à réduire les consommations d'énergie du parc existant.

Ce n'est pas rien : zéro effet de serre en exploitation d'un bâtiment neuf ! Même le secteur automobile n’en est pas là !

Les nouveaux bâtiments à énergie positive agissent en faveur de la réduction de l’empreinte sur l’environnement, ils ne représentent plus un facteur aggravant. Ils sont même devenus une solution au problème de l’effet de serre.

Nous vivons des moments de mutations forts.

 

BATI’life : Quelle est la situation avec les bâtiments existants ?

Pour jouer au plus vite sur l’effet de serre, il faut agir sur le stock et diminuer la forte consommation des bâtiments existants.

Les bâtiments neufs à zéro effet de serre ont créé un décalage, une obsolescence avec les bâtiments existants et vont donc permettre d’être plus ambitieux sur le stock.

Les bâtiments existants consomment en moyenne 240kWh/an alors qu’en bâtiment neuf en 2012, la consommation sera de 50 kWh/an.

Avec un taux de renouvellement du stock à 1 % par an, au terme de 50 ans, la moitié seulement serait remplacée.

La résolution du problème d’effet de serre causé par le bâtiment ne sera pas immédiate et rapide, il faudra un siècle pour renouveler tout le stock en bâtiment.

La construction neuve est une solution sur le long terme pour les pays déjà construits. A l’inverse, pour les pays en plein développement comme la Chine et l’Inde où les taux de renouvellement sont de 5 à 10 %, c’est une solution efficace dès maintenant.

 

BATI’life : Que pensez-vous du projet de loi Grenelle 2 ? Certains architectes y voient un frein au développement architectural. Quel est votre avis ?

Le Grenelle 1 était une façon de graver dans le marbre nos engagements verbaux par le biais d’une loi.

Le projet de loi Grenelle 2 doit être voté très vite car il facilitera l’obtention des résultats notamment sur l’urbanisme.

Concernant la révolution environnementale et énergétique, il faut bien le dire, les architectes n’ont pas été les précurseurs alors qu’ils avaient la meilleure place.

Aujourd’hui, les choses ont bien changées. Les architectes ont compris qu’ils détenaient la clé.

Toute une génération d’architectes, y compris des grands noms, travaille dès la conception du bâtiment pour que leur architecture soit plus intelligente, plus "climatique".

Ce niveau de performance et d’exigence est une demande de la société. Ce mouvement énergétique fait partie des grandes mutations du 21e siècle au niveau mondial. L’architecture ne peut pas être en décalage par rapport à cette révolution.

 

BATI’life : Dans quels domaines du bâtiment la France est-elle en retard ?

Dans l’ensemble, la France est, depuis le Grenelle, dans le peloton de tête en Europe.

Cependant deux domaines restent à travailler :

  • Celui des chantiers propres et efficaces pour lesquels les pays nord-européens ont une meilleure maîtrise.
  • L’autre domaine concerne la santé environnementale, la qualité de l’air, la qualité de l’eau.

N’oublions pas dans les objectifs de la construction durable, la gestion de l’eau et de l’air.

Pendant des années, on a pensé que l’air intérieur était un ersatz de l’air extérieur. 

Or, en étudiant sa composition, des scientifiques ont établi qu’elle était bien différente : plus de CO2 en raison de la présence humaine et des composés organo-volatils (COV) émanant d’objets et de réactions physiques et chimiques (par exemple, réactions chimiques avec l’ozone).

Aujourd’hui, de nombreux industriels travaillent sur la composition de leurs matériaux pour améliorer cette qualité de l’air intérieur.

 

BATI’life : Quelle est votre vision et vos propositions pour la gestion de l’eau ?

On va de plus en plus vers une civilisation urbaine qui sera concernée par des problèmes sérieux de quantité d’eau.

A l’heure actuelle, deux problèmes majeurs se posent en France :

  • Le premier, nous ne sommes plus autonomes dans notre consommation d’eau. Les moyens pour récupérer l’eau sont pratiquement inexistants. Il faut remettre sur le devant de la scène les réservoirs d’eaux pluviales permettant à l’usager d’utiliser son eau en fonction de ses besoins.
  • Le deuxième : Toute l’eau utilisée est de l’eau potable. Des circuits distincts permettraient d’utiliser l’eau récupérée pour l’arrosage des jardins, les toilettes, la machine à laver …

Le Ministère de la Santé oppose un argument : il évoque le fait que les enfants ne feraient pas la différence entre l’eau potable et non potable.

Aujourd’hui, un arrêté autorise, dans certaines conditions, un 2e système par récupération d’eau.

D’ici à 5 ans, j’espère qu’on aura généralisé un système à double circuit d’eau qui permettra aux utilisateurs une plus grande d’autonomie dans leur consommation d’eau. La notion d’autonomie est une idée forte. Produire de l’énergie et de l’eau, c’est être plus autonome et se prémunir contre une hausse prévisible de leurs prix.

 

BATI’life : Quelle est votre position concernant l’énergie photovoltaïque ? Ses détracteurs évoquent des taux de CO² très élevés lors de la fabrication du panneau et le non recyclage de certains de ces composants.

Avec cette nouvelle solution énergétique, les perspectives d’amélioration et de rendement sont tout à fait réelles et elles vont vite.

Les taux de rendement s’élèvent à 17 % et en laboratoire, avec des procédés multicouches, on frise les 40 %.

En sortant des laboratoires, on pourra atteindre les 25 %, ce qui signifie que l’on convertit une part significative de l’énergie des photons. Pas de risque de pénurie dans l’énergie solaire, au contraire, c’est l’abondance.

En ce qui concerne les prix, c’est la transformation du silicium, composant majeur du panneau, qui revient cher, mais le silicium est très abondant sur la planète.

Deux solutions : soit on choisit d’un panneau à fort rendement et le prix reste élevé ; soit un panneau à moindre rendement (environ 10 %) et le coût de fabrication est nettement plus faible.

En ce qui concerne la fabrication d’un panneau, le CO2 généré est à comparer avec l’économie de CO2 réalisée durant 20 à 25 ans (durée moyenne de vie d’un panneau) et le bilan est nettement favorable ; en 2 à 3 ans, on a récupéré la mise.

Rappelons aussi que nous sommes aux prémices du développement de ces techniques, les industriels et ingénieurs ne peuvent que les améliorer.

 

BATI’life : Comment informer au mieux le grand public des solutions globales apportées à l’habitat ?

C’est le gros point faible actuellement en France.

Les points d’informations de l’ADEME, répartis dans toutes les régions de France, restent le meilleur endroit pour se documenter.

Mais il ne faut pas se contenter de cela. D’autres outils doivent être mis en place afin que toute personne devienne décideur informé.

 

BATI’life : Quel est le véritable challenge du bâtiment ?

Le vrai challenge a eu lieu lorsque la France et l’Europe ont décidé de s’engager dans la construction de bâtiments à énergie positive.

Le bâtiment a eu raison de se donner de telles ambitions, il ne faut surtout pas revenir en arrière.

Les innovations arrivent. Industriels, entrepreneurs, architectes, bureaux d’études et maîtres d’ouvrage se mobilisent et se serrent les coudes.

La question aujourd’hui est de savoir comment généraliser ces innovations et apporter un niveau de culture environnementale à tous les acteurs du bâtiment mais également au grand public.

 

Nous sommes en train de vivre une profonde mutation du secteur du bâtiment dans son entier.

Les belles heures de la construction sont devant nous.

 

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