Diplômé en 2000 de l’Institut supérieur d’Architecture de Bruxelles, Vincent Callebaut remporte en 2001 le Prix Napoléon Godecharle récompensant le meilleur espoir de l’architecture belge. En 2005, il est lauréat des RE-Nouveaux Plaisirs d'Architecture primant les 12 figures émergentes de l'Architecture en Communauté Française de Belgique.
En juin 2000, il s’installe en France et collabore sur de nombreux projets avec les agences d’architectures telles que Vasconi Associés Architectes, Jacques Rougerie Architecte, Jacob+MacFarlane, Massimiliano Fuksas, ODBC.
Il collabore actuellement avec l’agence Vasconi Associés Architectes, sur la construction de l’hôpital Grace Kelly de Monaco.
Amateur des récits de Jules Verne, très inspiré par l’univers de la bande dessiné (l’expression graphique et scénaristique), ce passionné de développement durable, a produit un travail prospectif impressionnant réunissant pas moins de 40 projets, respectueux de l’environnement, de l’humain et des écosystèmes.
A 33 ans, Vincent Callebaut apporte un véritable souffle à la profession d’architecte avec son approche résolument pluridisciplinaire, avant-gardiste et éco-responsable.
BATI’life : Votre travail prospectif est présenté dans votre dernière monographie éditée par l’Université de Pékin, "Archibiotic", en quoi consiste votre thèse ?
Archibiotic, c’est la rencontre de trois vecteurs : l’architecture, les biotechnologies et les technologies de l’information et de la communication.
L’urbanisme durable de demain sera fait d’architecture, de l’intégration de la nature dans la ville et des nouvelles technologies. C’est à l’intersection des ces trois disciplines que se développent l’ensemble de nos projets. Nous établissons une passerelle entre recherche fondamentale scientifique et recherche appliquée industrielle.
BATI’life : Dans le cadre de notre thématique Villes de demain, comment appréhendez-vous dans vos projets la problématique de la démographie (avec une prévision de l’ONU de 9 milliards d'humains sur la planète d’ici 2050) ?
Notre travail s’articule autour de trois axes :
- Tout d’abord, l’agriculture. Les deux tiers des 9 milliards d’humains en 2050 seront des citadins. Il est primordial pour réduire la pollution de réintégrer la campagne dans la ville et de produire l’alimentation là où on la consomme. Il s’agit de proposer des espaces communautaires agricoles en centre-ville afin que les habitants deviennent les jardiniers de leur alimentation, des espaces semi-privés (vergers) et des espaces de cultures privés qui seront, par exemple, dans le prolongement des appartements (balcons potagers).
- Ensuite, la pollution, il s’agit de viser la diminution du CO2 et de l’impact de l’automobile sur le tissu urbain. En ce sens, nous avons proposé en 2007 à la ville de Paris le projet Antismog. Projet autosuffisant, il interagit avec son environnement en absorbant et en neutralisant les particules de CO2. Par un phénomène d’oxydation et sous l’effet de la lumière et des ultraviolets, l’armature en acier, recouverte d’une couche de dioxine de titane, neutralise les particules de CO2 et purifie l’air dans un rayon de 500 à 1000 mètres.
L’idée du projet était de placer à chaque intersection de la petite ceinture à Paris (exemple : Canal de l’Ourcq), une structure Antismog, créant une barrière de protection entre le périphérique et le centre ville, pour protéger l’habitat de la corrosion du bâti et les habitants des effets néfastes de la pollution sur la santé (asthme, accidents vasculaires cérébraux …).
L’architecture est ici développée comme un organisme vivant qui s’imprègne de son environnement pour avoir un effet bénéfique sur l’écosystème.
- Enfin, nous étudions, de façon écologique, la demande d’extension urbaine en mer (de nombreux pays souhaitent étendre leur territoire sur la mer). Tout ce qui a été fait jusqu’à présent se résume à deux solutions : les polders (remblais de sable sur la mer) d’une durée de vie limitée car soumis à l’érosion des marées. On en trouve aux Pays Bas ou aux Emirats Arabes Unis, là où les fonds marins sont de faible profondeur ; ou des constructions sur pieux, économiquement extrêmement coûteuses, et qui ont tendance à détruire l’écosystème sous marin des baies.
Notre projet Lilypad est une troisième alternative d’urbanisation en mer, par la construction d’un mode de vie communautaire sur une barge flottante. Deux fonctions à ce projet : l’extension des pays riches en off-shore, et l’accueil des futurs réfugiés climatiques des territoires ultra marins (ex. : Les Maldives).
Notre démarche globale est d’anticiper pour inventer de nouveaux urbanismes qui pourront répondre aux réactions de la nature.
BATI’life : Quels sont les freins à la mise en place de vos projets ?
Souvent nos projets sont classés dans la catégorie des architectures de science fiction. Pourtant, ils intègrent les technologies d’aujourd’hui. Le rôle de l’architecte est d’orchestrer et de mettre en œuvre toutes ces technologies dans l’objectif d’un urbanisme durable.
Sur un futur projet de piscine remporté en 2009, nous avons mis en œuvre les technologies proposées sur nos prototypes : couverture végétale, photovoltaïque et photothermique (récupération la chaleur du soleil pour alimentation en eau chaude de la piscine).
Il y a forcément une plus-value dans les études économiques de base de nos projets. Mais s’agissant de bâtiment auto-suffisant ou à énergie positive, la rentabilité s’avérera beaucoup plus rapide qu’un bâtiment traditionnel.
Nombre de nos projets sont effectivement de grande échelle mais leur vocation est d’engager une réflexion prospective puis d’adapter cette réflexion à des projets concrets. Le projet Dragonfly, par exemple, protoype imaginé dans un premier temps pour New York (350 000 m2), est actuellement étudié pour Kuala Lumpur à une échelle quatre fois plus petite.
Au travers nos projets et prototypes, c’est un nouveau mode de vie que nous proposons, tourné vers l’homme et respectueux de notre environnement.
Au cours de nos dix premières années d’exercice professionnel, notre priorité à été de nous positionner par rapport aux problèmes de société, de nous engager dans une exploration interdisciplinaire et de dessiner nos projets idéaux.
Aujourd’hui, nous désirons construire des projets qui soient le reflet de nos manifestes.
BATI’life : Autre problématique, la gestion de l’eau, qu’elles sont vos propositions dans ce domaine ?
J’ai toujours été fortement sensibilisé aux problèmes d’accès à l’eau, de pollution, à l’impact de l’industrie sur l’environnement.
Pour répondre à cette problématique, j’ai imaginé le projet Physalia :
Jardin amphibien à énergie positive nettoyant les voies navigables européennes et sensibilisant les citoyens à l’urgence de protéger l’eau.
L’approvisionnement pour tous en eau potable et la relance du transport par voies navigables (10 à 50 fois moins polluant que le transport routier) apparaissent comme les deux nouveaux défis écologiques et mondiaux relatifs à l’eau.
Le projet Physalia est dédié à la recherche scientifique, à la sensibilisation du public, et c’est également une station d’épuration flottante ne rejetant ni souffre, ni CO2.
Côté technologie : Sur le toit, des cellules solaires photovoltaïques. Sous la coque, des hydroliennes qui transforment l’énergie du courant fluvial en hydro-électricité.
BATI’life : Merci Vincent, pour terminer pouvez-vous nous dire quelques mots de votre dernier rêve architectural ?
Algos : Il s’agit d’un projet de ferme marine qui recycle les particules de CO2 et la pollution des océans par la réintégration de poche de biodiversité sur des plateformes flottantes.
Le projet cherche à répondre aux besoins d’autosuffisance alimentaire et énergétique des villes modernes.
Copyright visuels : VINCENT CALLEBAUT ARCHITECTURES - WWW.VINCENT.CALLEBAUT.ORG
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Propos recueillis par Esther Pinabel
Ressources en ligne :
Site de Vincent Callebaut |